Il y a un peu plus de cent ans, Bahá'u'lláh, dans une série de lettres adressées aux dirigeants de l'époque, annonça que l'humanité entrait dans une période de son histoire qui exigerait une restructuration radicale de la vie sur la planète. Il dit que des problèmes jamais envisagés auparavant allaient bientôt surgir, auxquels même les ressources des nations les plus avancées ne permettraient plus de faire face. Ces problèmes ne pourraient être surmontés que par un système fédéral mondial dont l'organe central serait un parlement mondial représentatif ayant plein pouvoir pour créer un code de lois international universellement accepté et applicable. "La terre n'est qu'un seul pays," affirma Bahá'u'lláh, "et tous les hommes en sont les citoyens."
A mesure que l'immensité, la complexité et le caractère urgent des problèmes liés á l'environnement s'imposent à l'attention du public, la logique de cette injonction devient de plus en plus apparente. Les mécanismes et procédures juridiques internationaux existants se révèlent inadaptés, essentiellement parce qu'ils sont basés sur des lois gouvernant les Etats-nations. Il semble clair à la Communauté internationale baha'ie, qu'à moins d'adopter des mesures innovatrices pour la restructuration de l'ordre international, la dégradation de l'environnement à elle seule, avec ses conséquences à long terme sur le développement social et économique, mènera inexorablement à un désastre aux proportions effrayantes.
Le processus actuel d'élaboration d'une réglementation internationale en matière d'environnement, qui ne s'attaque qu'à un problème à la fois, est parcellaire et non systématique. On a adopté des conventions, des traités et des protocoles concernant des questions aussi diverses que la protection de la couche d'ozone et le contrôle du trafic international des déchets dangereux. D'autres conventions portant sur les changements climatiques et sur la diversité biologique sont en cours de négociation. D'autres encore ont été suggérées, portant sur des thèmes tels que la pollution marine d'origine tellurique. Il n'existe pas d'organisme unique responsable de proposer une réglementation internationale sur l'environnement. Les nations n'ont pas non plus convenu d'un ensemble de principes pouvant servir de base à une telle réglementation. De plus, les pays signant les différents instruments juridiques sont rarement les mêmes. Il est alors pratiquement impossible d'harmoniser ou de combiner les accords.
La procédure législative internationale est connue pour être lente, coûteuse et lourde. Quand un problème est identifié des réunions d'experts sont convoquées pour préparer un projet d'accord. L'accord est négocié par les gouvernements intéressés et signé lors d'une réunion plénipotentiaire. Après ce qui est souvent une longue période de ratifications et d'adhésions, la réglementation entre en vigueur, mais uniquement dans les États qui l'ont signée. Un secrétariat est habituellement mis sur pied afin de faciliter et de surveiller l'application de la convention. Si des modifications doivent être apportées à la réglementation, comme pour le Protocole de Montréal, dont les dispositions n'ont pas prévu l'aggravation de la dégradation de la couche d'ozone, la révision peut-être aussi longue que l'adoption. Nombre de pays, dotés d'un effectif limité de diplomates et d'experts, ne peuvent s'engager dans des procédures si longues et coûteuses, d'autant plus que les négociations se multiplient pour répondre aux problèmes pressants liés à l'environnement mondial.
La procédure ad hoc actuelle, pour la réglementation en matière d'environnement, ne peut que devenir plus difficile à manier. On a avancé de nombreuses propositions visant à mettre en place des mécanismes globaux pour créer et soutenir un modèle de développement durable. Certains experts recommandent de renforcer le système actuel des Nations Unies en révisant le mandat d'agences telles que le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), en restructurant le Conseil économique et social (ECOSOC), ou en chargeant le Conseil de tutelle d'administrer certaines des ressources mondiales. D'autres suggèrent de créer de nouveaux organes tels qu'un conseil de sécurité pour l'environnement, un tribunal mondial de justice environnementale, ou une instance internationale de négociation environnementale chargée de préparer, d'adopter et de réviser la réglementation internationale sur des questions qui demandent une action à l'échelle de la planète.
Aussi bien intentionnées et utiles que soient ces propositions, il semble évident pour la Communauté internationale baha'ie qu'élaborer un modèle de développement durable est une tâche complexe aux ramifications multiples. A l'évidence, cela demande un engagement renouvelé pour apporter des solutions à des problèmes majeurs qui ne sont pas uniquement du domaine de l'environnement. Ces problèmes comprennent la militarisation, les disparités excessives de richesse entre les nations et à l'intérieur de chacune d'elles, le racisme, le manque d'accès à l'éducation, le nationalisme effréné et l'absence d'égalité entre les femmes et les hommes. Plutôt que de mettre en œuvre des actions ponctuelles conçues pour répondre aux besoins des États-nations, il semble clairement préférable d'adopter un accord-cadre à l'intérieur duquel des codes spécifiques internationaux pourraient être promulgués.
Les solutions à long terme font appel à une nouvelle vision d'ensemble d'une société globale, sous-tendue par des valeurs nouvelles. Aux yeux de la Communauté internationale baha'ie, reconnaître l'unicité de l'humanité est la condition première et fondamentale pour réorganiser et administrer le monde tel un pays unique, foyer de la race humaine. La reconnaissance de ce principe n'implique pas l'abandon des loyalismes légitimes, ni la suppression de la diversité culturelle ou l'abolition de l'autonomie nationale. Ce principe demande un loyalisme plus large, des aspirations bien plus élevées que celles qui ont animé les efforts humains jusqu'à présents. Il subordonne clairement les intérêts et les penchants nationaux aux exigences impératives d'un monde unifié. Il est incompatible avec non seulement toute tentative d'imposer l'uniformité, mais aussi toute tendance vers une centralisation excessive. Sa finalité peut être résumée par le concept d' "unité dans la diversité".
Les écrits Bahá'ís envisagent un système fédéral mondial "en faveur duquel toutes les nations du globe devront abandonner, de leur plein gré, toute prétention à faire la guerre, certains droits à lever des impôts, et tous droits à maintenir des armements autres que ceux requis pour la sauvegarde de l'ordre à l'intérieur de leurs territoires respectifs". Cette fédération mondiale sera dotée d'un "corps législatif mondial dont les membres en tant que représentants de l'humanité entière auront le contrôle suprême sur toutes les ressources des nations composantes; corps qui édictera les lois requises pour régler la vie, satisfaire aux besoins, et harmoniser les relations de tous les peuples et de toutes les races. Un exécutif mondial s'appuyant sur une force internationale veillera à l'exécution des décisions prises par ce corps législatif, appliquera les lois qu'il aura décrétées et garantira l'unité organique de la communauté toute entière. Un tribunal mondial jugera et rendra un verdict ultime et obligatoire dans tous les cas de différends qui pourraient surgir entre les divers éléments faisant partie de ce système universel". Dans ce système, "un code unique de droit international - issu du jugement réfléchi des représentants fédérés du monde - disposera, pour ses sanctions, de l'immédiate intervention coercitive des forces conjuguées des unités fédérées...". En même temps, "l'autonomie des États membres, et la liberté personnelle ainsi que l'initiative des individus qui les composent, seront complètement et pour toujours sauvegardées".
La Communauté internationale baha'ie recommande instamment au Comité préparatoire d'envisager des approches empreintes de créativité et d'audace pour la mise en marche de la machinerie législative internationale. Aucun changement véritable n'est possible sans une vision de l'avenir. La Charte de la Terre pourrait contribuer de façon significative à dégager une vision unificatrice de l'avenir, en énonçant avec audace le système de valeurs sur lequel on doit bâtir le futur. En travaillant sur le texte de la Charte, le Comité préparatoire pourrait trouver utile de consulter La Promesse de la Paix Mondiale, une déclaration que la Maison Universelle de Justice a adressée aux peuples du monde pour apporter son soutien à la proclamation par les Nations Unies de l'année internationale de la paix.
Le processus enclenché par la CNUED renforce de manière puissante l'optimisme des Bahá'ís du monde entier quant à l'avenir de l'humanité. Nous avons la conviction que les gouvernements du monde, forts de la reconnaissance universelle des dangers pesant sur la planète, peuvent décider d'agir avec courage dans l'intérêt de la race humaine dans son ensemble. Le résultat pourrait non seulement fournir la clef des problèmes d'environnement et de développement auxquels nous sommes actuellement confrontés, mais représenter de plus un immense pas en avant dans l'érection d'un système fédéral capable de relever les multiples défis auxquels doit faire face une humanité en voie d'intégration rapide.